Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Aucun de nous ne reviendra – Auschwitz et après
Charlotte Delbo
© Les Éditions de Minuit, 1965
« C'est l'appel. Tous les blocks rendent leurs ombres. Avec des mouvements gourds de froid et de fatigue une foule titube vers la Lagerstrasse. La foule s'ordonne par rangs de cinq dans une confusion de cris et de coups. Il faut longtemps pour que se rangent toutes ces ombres qui perdent pied dans le verglas, dans la boue ou dans la neige, toutes ces ombres qui se cherchent et se rapprochent pour être au vent glacé de moindre prise possible.
Puis le silence s'établit.
Le cou dans les épaules, le thorax rentré, chacune met ses mains sous les bras de celle qui est devant elle. Au premier rang, elles ne peuvent le faire, on les relaie. Dos contre poitrine, nous nous tenons serrées, et tout en établissant ainsi pour toutes une même circulation, un même réseau sanguin, nous sommes toutes glacées. Anéanties par le froid. Les pieds, qui restent extrémités lointaines et séparées, cessent d'exister. Les godasses étaient encore mouillées de la neige ou de la boue d'hier, de tous les hiers. Elles ne sèchent jamais.
Il faudra rester des heures immobiles dans le froid et dans le vent. Nous ne parlons pas. Les paroles glacent sur nos lèvres. Le froid frappe de stupeur tout un peuple de femmes qui restent debout immobiles. Dans la nuit. Dans le froid. Dans le vent. Personne ne pense « à quoi bon » ou bien ne le dit pas. À la limite de nos forces, nous restons debout. […]
L'ombre se dissout un peu plus. Les aboiements des chiens se rapprochent. Ce sont les SS qui arrivent. Les blockhovas crient "Silence !" dans leurs langues impossibles. Le froid mord aux mains qui sortent de sous les bras. Quinze mille femmes se mettent au garde-à-vous.
Les SS passent – grandes dans la pèlerine noire, les bottes, le haut capuchon noir. Elles passent et comptent. Et cela dure longtemps.
[…] Il faut attendre encore, attendre le jour.
L'ombre se dissout. Le ciel s'embrase. On voit maintenant passer d'hallucinants cortèges. […] Ce sont les mortes de la nuit qu'on sort des revirs pour les porter à la morgue. Elles sont nues sur un brancard de branches grossièrement assemblées, un brancard trop court. Les jambes – les tibias – pendent avec les pieds au bout, maigres et nus. La tête pend de l'autre côté, osseuse et rasée. »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Quel est le type de ce texte ?
Quel est le registre de cet extrait ?
Qui désigne le pronom personnel « nous » dans « Nous ne parlons pas » ?
À quoi la métaphore « les ombres », qui sert à désigner les déportées appelées à l'appel, renvoie-t-elle ?
De quelle manière est mise en scène l'apparition des SS ?
Quelle est la forme de cette phrase « Il faut longtemps pour que se rangent toutes ces ombres » ?
Quelle est la figure de style utilisée dans l'expression « Dans la nuit. Dans le froid. Dans le vent. » ?
Quelle est la fonction grammaticale de la proposition subordonnée relative « qui perdent pied dans le verglas » ?
Quelle est la fonction grammaticale du groupe nominal « de cris et de coups » dans la phrase « La foule s'ordonne par rangs de cinq dans une confusion de cris et de coups. » ?